Aujourd’hui je vous emmène dans un univers de recueillement, un espace où le passé convoque l’avenir en ayant l’espoir de changer les choses. On part dans l’univers très chouette de Owls. (…ne me cherchez pas je suis déjà loin).
Le groupe est formé par Simon Oberleitner qui joue avec virtuosité du piano, Andreas Waelti qui balade avec joie son archet sur des contrebasses et Konstantin Kräutler-Horváth qui frappe avec malice sa batterie. Trois musiciens autrichiens qui, plutôt que de parler fort, ont choisi d’écouter ensemble, de s’approcher sans bruit comme l’est le vol d’une chouette.
Leur musique ne cherche pas à imposer un discours, mais à construire un espace commun, un espace grand ouvert et accueillant comme l’est la scène sonore qui produisent. Leur propos est celui d’un dialogue qui ne repose pas sur l’argument, le qui qui à raison, le qui qui à la plus grosse, mais plutôt sur l’intention, de s’enrichir mutuellement, de profiter de l’apport de l’expertise des autres pour construire quelque chose de plus grand que chacun d’eux.
Quand je me complais dans le silence, souvent je suis de mauvaise foi et j’argumente que les small talks ne m’intéressent pas. Je sais bien que c’est une esquive mais les seuls dialogues qui valent le coup d’être menés sont ceux où plusieurs personnes qui s’apprécient discutent de ce qu’elles vont faire ensemble, et c’est ça leur musique.
Elle s’inscrit dans cette lignée de jazz européen contemporain qui préfère le murmure à la démonstration. On y entend une filiation celle d’ECM, de Tord Gustavsen ou d’Esbjörn Svensson mais filtrée par une sensibilité plus feutrée, plus enracinée dans la retenue autrichienne que dans la brume et le froid scandinave. Rien de glacé ici, la musique respire, s’étire, se retient et réchauffe. Chaque note semble pesée pour ne pas troubler l’équilibre fragile du moment, l’alchimie des longueurs d’ondes.
Le piano de Simon Oberleitner ouvre des paysages à la fois géométriques et végétaux. Son toucher rappelle ces instants où la pensée se coince dans la gorge, nouée par l’émotion. Il ne peut dire mais si des sons doivent sortir alors c’est pour venir rompre un silence qui a servi à construire, à ressentir. La contrebasse d’Andreas Waelti, elle, porte la structure et elle respire aussi, elle avance avec prudence, comme si elle cherchait le sol à chaque pas. La batterie de Konstantin Kräutler-Horváth agit en contrepoint subtil qui ne frappe pas de façon ostentatoire pour mettre au pas l’ensemble, mais provoque des souffles, des frottements, des échos. C’est un jeu d’ombres et d’échos, une mise en perspective qui occupe toute les dimensions.
Ce qui frappe dans Owls, c’est cette écoute mutuelle absolue entre les musiciens, cette façon de jouer l’un dans le silence de l’autre. Le trio ne dialogue pas comme on débat, il dialogue comme on construit une idée. De nos jours, les gens ne font que s’affronter. Dans leur musique, chaque idée devient le prolongement et l’éclairage d’une écoute. On sent des respirations collectives, des hésitations partagées, une forme de pudeur qui transforme la moindre montée en émotion partagée.
Pour commencer je vous invite à tomber dans cet album “Light Works”. Cet album est un projet fou de mariage entre un chœur (Company of Music) qui déclame des textes d’auteurs de la renaissance avec la musique de Owls. C’est absolument fantastique, ça peut vous changer une journée sans problème, ça peut vous faire changer d’avis, ça peut vous faire voir du gris en bleu et ça, c’est tellement que que je vous souhaite.
Faites abstraction de vos biais, ce n’est pas du tout de la musique sacrée, c’est quelque chose de bien plus éveillé, simplement humain.
Ensuite je vous invite à checker un de leur premiers Opus, pour bien voir d’où c’est parti et surtout qu’elle était l’intention de départ de ce projet musical magnifique.
Et surtout, prenez soin de vous.