Ce soir je vous emmène dans l’univers déstructuré et magique de Vladimir Frith aka Рожь qui signifie “en réalité” ou “Rye” en phonétique. Avec lui on s’écoute ce qui sonne toujours comme un appel à vivre, plus fort plus intensément et sans contraintes, on va trouver la colère, celle qui refuse et proteste, et ne se laisse jamais réduire au silence. On part sur les terres hostiles et inquiétantes du Doom et du Black Métal. Peut être pour moi l’occasion de vous en faire écouter si ce n’est pas votre tasse de thé habituelle, c’est un joli challenge que je veux relever avec vous. Peut être l’occasion de vous ouvrir ou vous faire retrouver des sensations que vous aviez mise de côté si vous étiez un(e) d’jeun’s un peu métalleux dans les années 2000 comme je le fus.
Peut être n’avez pas totalement perdu la mémoire.
Ce que fait Рожь c’est tout l’inverse d’un truc qui ressasse le passé, lui il s’appuie simplement dessus mais il construit l’avenir de ce son. C’est certes du sang noir qui coule dans ses veines mais c’est aussi de la lumière à n’en plus finir sur les textes et les arrangements. C’est un phare dans la nuit pour éclairer toutes les ténèbres et chasser tous les démons. Pour commencer il faut savoir que c’est un One-Man Project. Oui le mec est seul… et il fait tout absolument tout seul. Ca veut dire que toute sa composition, tous ces morceaux sont traités comme un projet de musique électronique, les batteries sont full synthétiques, il joue des guitares et des basses, il produit et mixe lui même tous ses leads synthétique, ces claviers et synthés, c’est Ha-Lu-Ci-Nant d’avoir toutes ces compétences et cette capacité à donner vie à autant de choses tellement complexes à apprendre.
Le garçon n’est pas non plus un amateur car il a lancé sur le même modèle d’autres projets. Il a lancé ce projet là en particulier en 2012 et il a sorti sa première démo et puis “rideau”, 8 longues années de traversée du désert et maintenant le voilà de retour, et ça envoie comme au début, ça n’a pas bougé, c’est magique. Les textes tournent autour de la perception de la réalité. C’est une caméra sur un traveling qui se déplace très vite et nous montre les deux face d’une même pièce en même temps. La réalité qui n’a pas de raison d’être qui n’a pas d’intention qui n’a pas de message et ce que nous en percevons, et la façon dont nous tirons de notre essence humaine, de notre esprit les ressources pour donner du sens à tout cela. Il parle de ce champ immense dans lequel on se trouve un soir seul face à la nuit et à la profondeur du ciel et de cette immensité d’univers qui elle non plus ne porte aucun message mais peut faire naître dans chacun de nous la sensation de ne pas être ici pour rien et seul au milieu de tous. Je vous ferai pas un cours de philo, et si vous deviez creuser sur les textes il vous faudrait les traduire du Cyrillique.
Il est Russe et on va dire que le garçon est aussi plus que fondamentalement opposé aux crimes de guerres perpétrés par le gouvernement de son pays, étant lui même avec des origines Russes et Ukrainiennes, on imagine bien le déchirement que cela doit être et l’infâme sensation d’impuissance qui doit s’abattre sur tous les opposants au régime, dans ce pays qui n’est pas plus libre et ouvert qu’une boite de conserve. Il explique que sa musique ne doit pas mourir, il sait la funeste fin des peuples vivant dans des dictatures dans lesquelles la musique est déjà morte.
Si vous me faites toujours confiance, ce que je souhaite, surtout si vous faites partie de ceux qui reviennent ici parce qu’il y ont trouvé quelque chose qui n’était clairement pas ailleurs, c’est que vous donniez sa chance à l’album et de ne pas avancer dedans. Faites vous les 3 premier tracks et après décidez si vous restez ou si vous partez. Prenez juste une seconde pour comprendre de quoi il s’agit. Vous allez vous enfoncer dans les méandres d’une hybridation fantastique entre de la musique folklorique à visée guerrière, de l’ambient tirant sur le dark style et du Post Black Doom Métal.
Certains morceaux vous rappelleront peut être Violet Cold qui officie aussi dans les mêmes sphères et qui pourrait certainement vous donner envie de creuser encore plus loin sur la voie de ces hybridations métalliques et fantastiques.
Bcë est un album incroyablement bien construit, il s’articule autour de montées inexorables et d’explosions phénoménales, des passages d’une profondeur insondable, on ne reçoit plus les échos du sonar, le signal ne passe plus. Le Post Rock se mélange au Doom et au Black, les rifs sont d’une énergie infinie, comme une étoile, un soleil inépuisable et tout s’articule autour de structures mélodiques ultra chiadées et enchevêtrées. Du grand beau, une des dernières claques que je me suis pris en ce début d’année.
Après quoi je vous invite si ce tout dernier opus, qui vient de naitre vous a plu, à creuser dans les directions des autres projets et albums de sa conception, vous ne serez jamais déçu, y a rien à jeter.
Prenez soin de vous.