Aujourd’hui je vous emmène dans l’univers onirique et doux d’Hania Rani.
Elle est polonaise et produit un néoclassique contemporain absolument profond et dense qu’elle fabrique entre Varsovie et Berlin.
Alors quoi qu’est-ce encore que ce truc et pourquoi il faut en parler ? Primo : C’est du néo-classique. La belle affaire Lambda mais on a déjà tout entendu en Néo-classique… Oui mais ça… vous ne l’avez jamais entendu, et ce n’est pas ce néo-classique insipide et chiant, ce n’est pas ce piano classique joué “à la façon de” ni une âme basée uniquement sur cette technique d’enregistrement qui consiste à capturer toute l’ambiance et les bruits de la mécanique de l’instrument.
Je vous connais un tout petit peu et je vous vois… vous venez de quitter le blog pour ouvrir votre player…Et armé de votre doigt vengeur vous êtes en train de parcourir quelques secondes par ci par là sur un ou deux titres de ses albums sur votre plateforme de streaming préférée. Et vous avez soudainement envie de laisser un commentaire sous ce billet qui serai du genre : “Ok donc il raconte que de la merde celui-là c’est bien ce piano chiant qui m’a toujours ennuyé, Next !”
Et pourtant, vous venez de passer à côté car il y a quelque chose que vous ne capterez pas en quelques secondes. Par contre dès le tout premier morceau avalé dans son entier vous allez froncer les sourcils. Mais qu’est ce que c’est que ce truc… Mais comment est-ce possible…? On veut vous faire croire que votre capacité à aimer quelque chose ne se décide qu’en quelques secondes, vous savez ces fameuses quelques toutes premières secondes qui soit disant peuvent vous faire switcher d’un coté ou de l’autre, de l’adhésion, du geste d’achat, au rejet, à la mise au rebut. Cette idée est une escroquerie inventée par les marqueteux et les marchands de rêves et c’est ce que l’industrie veut nous faire avaler. Il faut que nos choix soient reptiliens, notre affection binaire. La réalité est que s’y on s’y penche un peu les choses extrêmement appétissantes et suscitant une forte envie sont souvent faites de carton et collés avec de la merde alors que celles qui ne nous ont pas provoqué d’étincelle immédiates sont bien souvent complexes et cachent de véritables pépites extrêmement précieuses, des trésors d’ingéniosité et de conception.
Alors comment fait elle et pourquoi est ce peut être un peu compliqué d’y entrer ?
C’est une bonne question, je me la pose aussi je vous rassure. Est-ce parce qu’elle est capable d’introduire des demi-thèmes qu’elle fait tournoyer comme des feuilles mortes emportées par le vent pour construire ses morceaux ? Est-ce parce qu’elle mélange sourdines et attaques à l’encontre de ce qu’on attendrait ? Est ce parce qu’elle mélange cordes frottées, lancinantes et echos réverbérés à l’infini. Comment arrive-t- elle à créer cet espace dans lequel ni le temps ni les distances n’ont d’importance? Et pourtant c’est un peu cela sa musique. On peut ne pas être normalement touché par le style et tomber complètement en hypnose dans ces albums.
Encore une fois c’est un mystère. Ce blog n’apporte pas beaucoup de réponse. Vous en apprendrez plus sur sa formation et sur son parcours en cherchant, mais elle s’est faite de rien, il n’y avait pas de musiciens dans son environnement familial, il n’y avait qu’elle et son envie de créer. Elle se raconte assez peu en interview, on l’a entendu s’exprimer sur « Home ». Peut être que c’est ça aussi sa musique. C’est un peu sa maison à elle avec ses paysages, son cheminement. Il n’y a peut être pas de chez nous, ce n’est qu’une illusion, on est chez nous n’importe où tant qu’on peut fermer les yeux pour s’y projeter.
Certains lui voue le génie créatif d’un Tom Yorke, d’autres lui trouvent des accents d’Erik Satie. Ce qui m’impressionne le plus c’est la façon dont elle fait la synthèse entre plusieurs courants comme les racines du classique et le jazz pour en faire une sorte de sauce incroyable et unique. Vous trouverez dans sa discographie de nombreuses collaborations et vous retrouverez à chaque fois son identité, sa personnalité, son trait de génie, c’est vraiment pas banal.
Ce sont des albums que vous pouvez envisager pour vous accompagner dans des moments de travail, dans des moments de rêvasserie, dans des moments de création. Ce sont des albums qui vous porteront qui vous aideront. Ce ne sont pas des sonorités qui prendront le dessus mais qui vous permettront d’habiter pleinement le moment que vous vivrez. Je n’ai pas grand doute sur le fait que vous y crystaliserez un moment d’une façon solide et avec l’envie d’y revenir. Après tout, quand vous fermez les yeux, c’est chez vous.
Une fois n’est pas coutume je vous invite à y entrer par un live, un magnifique concert qu’elle à fait à Paris aux invalides l’année dernière. Attaquez par celui-ci, vous tremperez vos doigts de pieds dans l’eau plus froide un peu plus tard. Cuivres, cordes, synthétiseurs évaporés, son piano classique stratosphérique, tout y est pour vous donner la première impression sur son travail.
Ensuite je vous invite à aller voir Home, c’est dans ses albums studio celui qui vous donnera le meilleur accès à son travail en mode solo. Vous allez comprendre ce que je raconte à propos de thèmes amenés par morceaux, vous allez comprendre pourquoi il y a ce petit coup de magie dans ses compositions.
Et puis je vous invite avec le plus grand plaisir dans un de mes albums de chevet. Vous avez des livres de chevet, j’en ai quelques un qui reste à portée de main en cas d’urgence. Cet album tient le même rôle.
Et puis si vous êtes arrivés jusque là vous n’avez plus besoin de moi pour trouver le reste de sa discographie et en particulier le petit dernier “On Giacometti” écrit en inspiration et en réaction au travail d’Alberto Giacometti, l’ami de Jean-Paul Sartre, Pablo Picasso et Salvador Dali.
J’oubliais, Prenez soin de vous.
J’avais eu du mal à accrocher. ta chronique m’a poussé à y revenir. Et en fait, ses lives sont mille fois plus intéressants que ses albums (ceci dit, je crois que je pourrai dire la même chose avec de plus en plus d’artistes). Une pépite ! Merci 😉