Au commencement, je croyais que tout le monde connaissait Adrian Nicholas Matthews Thaws. Au début, j’en parlais comme si tout le monde avait parcouru ses textes comme je le faisais seul dans ma chambre d’ado, c’était comme si vous aviez tous compris le marasme infini qu’il traduisait dans sa musique, marasme dans lequel je me retrouvais. Enfin ça, c’est ce que je pensais avant.
Je vous emmène aujourd’hui dans l’univers dense et poisseux de Tricky, un abstract Trip Hop compact et hypnotique dans lequel les ombres du dub, du hip hop, du Rock et de la Soul s’enlacent dans une tension permanente sur des routes sans balises, ces routes qu’empruntent les âmes tourmentées.
“Tricky” dans le texte ça veut dire “compliqué”, mais aussi “épineux”, “délicat” ou “rusé”. Ce champ lexical est intriguant, son histoire l’est tout autant.
Cette histoire commence exactement comme le premier morceau de son album, Fifteen Days, avec les premiers heurts qui façonneront toute la structure de son travail. Natif de Bristol, Adrian ne connaîtra jamais son père qui l’abandonna lui et sa mère avant sa naissance. Sa mère, elle mettra fin à ses jours alors qu’il n’avait que 4 ans.
On n’est pas tous nés sous la même étoile, et son étoile à lui est déjà en train d’imploser alors qu’il n’a encore rien vécu.
Il commence sa vie d’une enfance baignée de musique. A 8 ans et quelques il commence à écrire, devant la télé que sa grand-mère laisse tout le temps allumée pour ne pas avoir à trop parler, trop évoquer tout ce qui manque dans ce foyer néanmoins aimant et protecteur.
Ado il sort beaucoup, il s’échappe du quotidien pour écouter avec ses potes du blues dans des boîtes dans lesquelles il ne devrait pas se trouver, rien n’a encore commencé et pourtant tout est déjà Too Much, Too Young.
Il aime le blues, le beau blues, le grand blues, la simplicité, le minimalisme, le viscéral. Tout ce qu’il entends l’imprègne et lui ouvre son sens musical absolument unique et surdéveloppé. Il joue avec sa voix cassée chuchotante et cette putain de peine pour l’accompagner, toujours présente, toujours rampante, sombre et universelle. Ce qui le fait vivre : faire sa musique peu importe qu’il déplaise, peu importe qu’il soit compris, son seul et unique art c’est ressentir pour partager, et chercher l’énergie dans le plus profond de son être.
Tricky aura une carrière que je ne prends pas le parti de vous détailler, pour la simple et bonne raison que cela existe déjà et que des gens très bien ont déjà fait le boulot, ce que nous voulons approcher ici c’est un angle plus sensible. Tricky ne cherche pas à plaire, il veut troubler, déranger, provoquer une réaction viscérale. Ses collaborations, avec Massive Attack dont il est un des membres fondateurs ou encore celles avec PJ Harvey ou Björk, renforcent son statut d’artiste à la marge, insaisissable.
La musique de Tricky, ce sont des atmosphères acides et toxiques, ce n’est pas à mettre entre toutes les mains, il faut être un peu blindé ou certainement passionné par les thèmes compliqués qu’il aborde dans ces textes. Tricky est un homme en guerre contre lui-même, un alchimiste du chaos sonore. Ses tourments personnels passent en revue sa paranoïa, ses angoisses de retomber dans la douleur et le désir obsessionnel de relations complexes dans lesquelles manipulation et identités fragmentées s’éloignent de toute forme de romantisme stérile et des normes sociales. Tricky est un anticonformiste au même titre que les figures du Punk, il est en décalage, il est métisse et parle aussi du racisme dont il est l’objet dans ce monde normatif de la musique.
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La musique de Tricky vous la connaissez sûrement un peu, certainement au travers de ses productions avec Massive Attack, ou les grands hits qu’il a produit tout au long de sa magnifique carrière. Ce que vous ne savez peut être pas c’est que rien, je dis bien rien de tout ce qu’il a fait n’est négligeable. Quand son sens incroyable des instrumentations vous emmène en transe, le son de sa voix, l’intensité de ses textes vous ramène toujours sur le plancher des vaches. Je ne sais pas vous dire toute l’admiration que je lui porte et j’ai essayé dans ces quelques lignes, de vous donner l’envie vous aussi d’en savoir plus.
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Je vous emmène dans son dernier projet Theis Thaws, un album fantastique et d’une intelligence dans la création d’ambiance toujours aussi vivace qu’à ses débuts. Certains sur les forums (qui parlent de lui) disent que sa musique à le pouvoir d’accompagner dans des moments difficiles, je vous laisse en juger par vous-même:
Ensuite partons sur des prods plus anciennes : un album fondateur qui rappellera beaucoup de souvenirs à toute une génération qui découvrit les BeatMakers et la puissance des Samplers des années 90, toute une époque bénie absolument inoubliable:
Et puis il faut forcément en passer par False Idols, comment faire autrement !
Et le plus important, prenez soin de vous !