Ce soir je vous emmène sur la voix des limbes, dans un chœur électronique au juste seuil du réel.
Si je prends le temps de vous en parler sur le Blog c’est qu’il y a plus à en dire que je ne pourrais le faire en 600 signes sur mes réseaux sociaux.
NYX est un collectif autogéré basé au Royaume Uni. Une sorte d’association artistique n’ayant que pour seul et unique objectif de donner un espace d’expression aux différents artistes qui viennent y prendre part.
Il n’est pas banal qu’un collectif parvienne à incarner à la fois l’antique et le futur, l’organique et le spectral, le féminin et le sacré, sans tomber dans la simple juxtaposition esthétique, dans l’exercice de style. À l’heure où le monde sonore est saturé de mots, de phrases au sens dirigés qu’il faudrait être fou pour réfuter, de refrains calibrés, NYX propose l’inverse : un rituel sans dogme, un chœur sans église, temple ou mosquée, un cri sans colère, une adoration sans icône.
À l’origine de NYX se trouve l’idée radicale que la voix humaine peut transcender ses usages traditionnels, qu’elle peut devenir la matière première d’une sculpture sonore. Un instrument malléable et puissant. C’est un contexte qui, si vous me lisez, ne vous sera pas étranger. Sous la direction musicale de Sian O’Gorman et la production artistique de Philippa Neels, le collectif est composé exclusivement de femmes. Ceci n’est pas la cause d’un féminisme militant de surface, mais juste la revendication d’une sincère cohésion, une délicate symbiose qu’un homme pourrait venir perturber. Une alliance du féminin avec le vibratoire, le liminal, l’intuitif.
Ici, point de paroles claires ni de narration linéaire. Les voix grondent, s’étirent, hurlent parfois, murmurent souvent, se superposent jusqu’à former des nappes sonores denses et hypnotiques, nourries et enveloppées par des synthétiseurs et des textures électroniques profondes. Leur nom, NYX vient de la déesse grecque de la nuit et c’est ça leur musique, une sorte de voyage dans des contrées obscures, sans limites définies, vaporeuses, évaporées et réverbérées.
L’esthétique sonore de NYX est un syncrétisme vivant : elles marient les drones liturgiques, les harmoniques du chant choral, les sonorités électroniques industrielles, les infra-basses technoïdes et les élans doom. Entre techno, drone, ambient et incantations païennes.
L’un de leurs projets les plus emblématiques, Deep England, est une collaboration avec l’artiste Gazelle Twin, qui revisite les chants folkloriques britanniques à travers le prisme de l’électronique gothique. Cet album offre une vision dystopique mais sensuelle d’un vieux pays hanté par ses traditions et ses spectres. NYX y est à la fois, sorcières, pleureuses et prêtresses.
La musique de NYX n’est pas conçue pour être simplement « écoutée », elle est là pour être “entendue”, ressentie, habitée, instillée par les oreilles et les pores de la peau. Le collectif crée des espaces sonores qui forcent l’auditeur à ralentir, à respirer différemment, à fermer les yeux pour y confronter l’invisible. Cette musique, souvent atonale, sans tempo fixe, agit comme une chambre d’écho intérieure, un miroir sonore de nos sensations les plus enfouies, un sortilège d’une transe intime et personnelle.
Dans un monde hyper-connecté, NYX offre une reconnexion aux instincts archaïques, comme la respiration, le souffle, le cri, les pleurs, le lâcher prise. Leur musique semble traduire une époque hantée par le vide, la perte de sens, la déconnexion de l’organique du reste du cours de nos vies. Leur musique dit : Vous n’avez peut être pas de dieu, vous n’avez peut être pas de famille, vous n’avez peut être pas d’amour dans votre vie, vous êtes peut être différents mais vous n’êtes pas et ne serez jamais sans valeurs.
Elles placent la pratique artistique comme étant un espace de transformation personnelle et politique. Leur voix devient la nôtre. Elles nous rappellent que faire de la musique, hurler, vibrer ensemble en l’écoutant est un acte de résistance personnel et collectif.
Mais NYX ne fait pas de la musique : elles invoquent. Elles nous emmènent dans un lieu personnel que peu osent explorer. Elles convoquent les morts, les déesses et les druides, les ancêtres et les jeunes pousses pour regarder devant nous, ensembles, les yeux grands ouverts. Elles sont les sorcières modernes d’un monde trop rationnel, les gardiennes d’une musique qui ne cherche pas à plaire mais à réveiller.
Je ne savais pas trop par ou commencer pour vous en donner un premier aperçu, je crois que quoi qu’on prenne dans leur discographie tout est forcément dérangeant, sublime, nécessaire.
Partons sur ce Live extrait de l’album éponyme :
L’album :
Et puis ensuite je pense qu’un petit tour sur ce live que je vous conseille de vous faire une fois la nuit tombée :
Ou sur le magnifique Deep England :
Et puis je vous laisse creuser leur Bandcamp et leur différentes collaborations notamment dans le cadre d’une production pour un jeu vidéo (je vous laisse la découverte) sur lequel j’ai passé beaucoup trop de temps.
Prenez soin de vous.